17/06/2012

L’illusion démocratique : Du principe d’autorité (Proudhon)

En cette soirée électorale refermant derrière elle le second tour des législatives, il me tenait à coeur, pour réagir à chaud, de vous suggérer un petit texte extrait de L'illusion démocratique : du principe d'autorité, de Proudhon.

« Du suffrage universel et du gouvernement du peuple
La solution est trouvée, s’écrient les intrépides. Que tous les citoyens prennent part au vote : il n’y aura puissance qui leur résiste, ni séduction qui les corrompe. C’est ce que pensèrent, le lendemain de Février, les fondateurs de la République. Quelques-uns ajoutent : que le mandat soit impératif, le représentant perpétuellement révocable ; et l’intégrité de la loi sera garantie, la fidélité du législateur assurée. Nous entrons dans le gâchis. Je ne crois nullement, et pour cause, à cette intuition divinatoire de la multitude, qui lui ferait discerner, du premier coup, le mérite et l’honorabilité des candidats. Les exemples abondent de personnages élus par acclamation, et qui, sur le pavois où ils s’offraient aux regards du peuple enivré, préparaient déjà la trame de leurs trahisons. À peine si, sur dix coquins, le peuple, dans ses comices, rencontre un honnête homme… Mais que me font, encore une fois, toutes ces élections ? Qu’ai-je besoin de mandataires, pas plus que de représentants ? Et puisqu’il faut que je précise ma volonté, ne puis-je l’exprimer sans le secours de personne ? M’en coûtera-t-il davantage, et ne suis-je pas encore plus sûr de moi que de mon avocat ? On me dit qu’il faut en finir; qu’il est impossible que je m’occupe de tant d’intérêts divers; qu’après tout un conseil d’arbitres, dont les membres auront été nommés par toutes les voix du peuple, promet une approximation de la vérité et du droit, bien supérieure à la justice d’un monarque irresponsable, représenté par des ministres insolents et des magistrats que leur inamovibilité tient, comme le prince, hors de ma sphère. D’abord, je ne vois point la nécessité d’en finir à ce prix : je ne vois pas surtout que l’on en finisse. L’élection ni le vote, même unanimes, ne résolvent rien. Depuis soixante ans que nous les pratiquons à tous les degrés l’un et l’autre, qu’avons-nous fini ? Qu’avons-nous seulement défini ? Quelle lumière le peuple a-t-il obtenue de ses assemblées ? Quelles garanties a-t-il conquises ? Quand on lui ferait réitérer, dix fois l’an, son mandat, renouveler tous les mois ses officiers municipaux et ses juges, cela ajouterait-il un centime à son revenu ? En serait-il plus sûr, chaque soir en se couchant, d’avoir le lendemain de quoi manger, de quoi nourrir ses enfants ? Pourrait-il seulement répondre qu’on ne viendra pas l’arrêter, le traîner en prison ? Je comprends que sur des questions qui ne sont pas susceptibles d’une solution régulière, pour des intérêts médiocres, des incidents sans importance, on se soumette à une décision arbitrale. De semblables transactions ont cela de moral, de consolant, qu’elles attestent dans les âmes quelque chose de supérieur même à la justice, le sentiment fraternel. Mais sur des principes, sur l’essence même des droits, sur la direction à imprimer à la société; mais sur l’organisation des forces industrielles; mais sur mon travail, ma subsistance, ma vie ; mais sur cette hypothèse même du gouvernement que nous agitons, je repousse toute autorité présomptive, toute solution indirecte ; je ne reconnais point de conclave : je veux traiter directement, individuellement, pour moi-même; le suffrage universel est à mes yeux une vraie loterie. »

1 commentaire:

Luc Darwincq a dit…

OUI