On en verrait la couleur que dans quelques mois, à coup de restrictions budgétaires et émiettements de nos politiques sociales. Il faudrait pourtant la craindre dès aujourd'hui, l'abattement des cartes suivant toujours la logique des dominos.
Faut-il démystifier la dette en la vulgarisant ou en arrêtant d'en parler en des termes post-apocalyptiques ? Je crois en tout cas qu'il faut la relativiser. Voici deux ou trois choses que je sais de la dette - et que l'on ne dit pas assez.
1. Le FMI ≠ Dieu
Et encore, Dieu n'existe pas.
Présenté comme l'instance internationale incontournable, le Fonds Monétaire International, comme l'Union Européenne, n'est jamais remis en question par la société civile. Peur de s'opposer à une bureaucratie dont on ne comprend pas tous les rouages ou suivisme de la vie quotidienne ?
Dieu le père - Véronèse |
Et si le FMI, trop systématiquement envisagé comme la charpente de l'économie mondialisée, n'avait pas le monopole de la raison ?
L'institution internationale dont le rôle est de « promouvoir la coopération monétaire internationale, de garantir la stabilité financière, de faciliter les échanges internationaux, de contribuer à un niveau élevé d'emploi, à la stabilité économique et de faire reculer la pauvreté » tire évidemment sa légitimité de l'expression d'une voix homogène. Et si cette voix homogène était pensée unique ?
En effet, sont reprochés au FMI :
- le fait de toujours proposer le même type de solutions (privatisation et ouverture sur le marché extérieur) aux pays, et ce sans tenir compte de leurs spécificités et structures
- l'obsession pour la stabilisation des monnaies (au détriment des politiques sociales liées au chômage) : c'est notamment ce que regrettait James Wolfensohn, président de la Banque mondiale, dans son discours du 6 octobre 1998
- la croyance dogmatique en l'autorégulation des marchés
- l'ingérence (selon l'économiste américain Joseph Stiglitz, le FMI est une institution au service de son principal actionnaire, les États-Unis) et donc la perte de souveraineté des États (certains pans entiers de leur économie leur échappent)
Que recommander à la société civile et à la sphère médiatique ? De ne plus considérer le FMI comme le messie. Que conseiller au FMI ? De lire un peu de Keynes, certains
2. Cachez cette dette que je ne saurais voir (ou « ceci n'est pas une dette »)
Alors que l'Allemagne vient de se positionner contre l'augmentation de l'aide européenne à la Grèce, un vieux dossier ressort de derrière les fagots : la dette allemande envers la Grèce. En effet, cette dernière réclame à la République fédérale une « réparation » pour le massacre de Distomo, un village près de Delphes où 218 habitants furent assassinés par les SS en 1944) [Lire Dette : le chassé croisé germano-grec, article de la Gazette de Berlin publié cet été)
« Les Allemands, qui rechignent à financer un second plan de sauvetage pour la Grèce, devraient se souvenir de tout ce qu'ils ont pillé dans ce pays pendant la Seconde Guerre mondiale [...] Avec les intérêts, ce sont 81 milliards d'euros qui sont dus à Athènes. C'est là une autre façon de voir l'Europe et son histoire. »
[Daniel Cohn-Bendit, mercredi 15 février au Parlement Européen]
Mais cette dette « morale » a t-elle son pendant « légal » ?
Tout porte malheureusement à croire que non. Et ce, pour 2 raisons :
- Après la guerre, les États-Unis ont dissuadé les pays bénéficiaires du plan Marshall de réclamer réparation, arguant notamment que la réclamation serait re-discutée lors de la réunification de l'Allemagne. La logique « Chaque chose en son temps », quoi.
- Plus tard, le chancelier Helmut Kohl, bien renseigné, a obtenu du traité de Moscou (1990) entérinant la réunification qu'il ne soit pas estampillé « traité de paix ». Or, cette mention est la condition sine qua non pour les remboursements. En approuvant le traité de Moscou, la Grèce aurait perdu toute légitimité à réclamer réparation.
- Jean Fouquet
[Lire l'Allemagne a t-elle une dette de guerre envers la Grèce ? article du Monde daté du 17 février]
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Le FMI n'est pas Dieu et l'État allemand n'est pas miséricordieux.
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