26/10/2012

Causette a eu raison

Dans son numéro 2012, l'excellent Causette consacrait un de ses titres de Une au « droit de cuissage à la mairie », comprendre : toutes les violences sexuelles faites aux employées et passées sous silence dans la mesure où le maire-roi-en-son-fief couvre les agissements de ses poulains. Le magazine qui récuse l'étiquette féministe ( « nous sommes des journalistes, pas des militantes ») explique être « entré dans les bureaux feutrés des collectivités pour chercher les victimes, leurs agresseurs "cocardés". Du Creusot à Maubeuge, en passant par l'Assemblée, Causette les a trouvés ».

Extrait : « Martine sursaute au moindre bruit, prend des antidépresseurs. À aucun moment elle n'aura le courage de parler. C'est une autre qui le fera : « Le maire s'est jeté sur Samia, la secrétaire de mairie, relate Martine. Il l'a embrassée et lui a touché la poitrine, mais elle l'a repoussé et a fait un scandale. » C'est le déclic, la fonctionnaire se confie. Les deux employées se rendent ensemble au commissariat pour porter plainte : le début d'une longue procédure qui aboutira, en 2009, à la condamnation de Jacques Mahéas, sénateur et maire socialiste, pour agression sexuelle contre Martine. En raison de « la personnalité du prévenu » qui est « d'un certain niveau intellectuel [et] d'une aisance sociale certaine », les juges prononceront une peine de 10 000 euros d'amende. C'est donc en raison de son profil, établi par un expert du tribunal, que les juges renoncent au sursis. Deux ans et demi après cette décision, l'agresseur est toujours maire. Martine, elle, a été poussée à prendre une retraite anticipée, a perdu son logement, changé de ville et touche 930 euros par mois. Justice est faite ! »



L'enquête, évidemment, n'a pas manqué de créer des remous.

Du côté de l'AFVT (association européenne contre les violences faites aux femmes au travail) par exemple, un communiqué a cru bon de préciser que :
« Ni les victimes ayant dénoncé des violences sexuelles commises au sein des mairies de Maubeuge et du Creusot, ni l'AVFT ne souhaitaient une telle médiatisation, et n'en sont pas à l'origine. »
Fin mars, le maire socialiste de Maubeuge Rémi Pauvros avait assigné les auteures de l'article pour diffamation. La décision de justice a été rendue il y a quelques jours. Ouf : 

« À partir du moment où les faits mentionnés (de non dénonciation par le maire d'agressions sexuelles présumées) dans l'article sont exacts, on peut difficilement entrer en voie de condamnation. »

Le 23 octobre, l'AFVT reconnaissait d'ailleurs, dans un communiqué publié sur son site :

« Les informations délivrées par Causette sont en tous points conformes à celles que nous avons nous-mêmes pu recueillir dans le cadre d’un travail méthodique dans chacun de ces 'dossiers'. »
Car entre une (nécessaire) levée de voile sur ce secret de polichinelle et la pudeur à accorder aux victimes, c'est toute la question d'une presse, inquisitrice ou discrète, qui se pose. Si les deux termes du débat se valent très probablement, ma sensibilité, elle, me fait tout de même pencher pour l'impératif d'une presse fureteuse. Même si je regrette évidemment que des victimes aient pu être ennuyées par la médiatisation soudaine de leurs histoires, je suis tentée de croire que c'est malheureusement une étape obligatoire pour qui veut enfin faire la lumière sur des abus que certaines mairies, pétries de corruption, veulent à tout prix étouffer. Peut-on vraiment espérer porter une accusation à son terme sans rien médiatiser ? En ce sens, le travail de Causette a été salutaire. Reste maintenant à donner à ces affaires toutes les proportions qu'elles méritent, et à ne plus laisser d'agressions impunies. Qu'elles se déroulent sur les proprets tapis de Marianne ou non.

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