18/06/2012

Girls : la série s'auto-regarderait-elle un peu trop ?

À trop vouloir être un anti-Sex and the City (ou un Sex and the City post-récession, comme on a pu le lire sur la toile), la série Girls tombe t-elle dans l'écueil de vouloir à tout prix nous vendre une image trendy de la femme moderne ?

Née sous la plume de Lena Dunham (qui joue également le rôle de Hannah, l'anti-héroïne de la série), Girls se targue de puiser ses insolents sarcasmes des expériences passées de sa jeune auteure, « une fille comme les autres ».

Une fille comme les autres ? C'est évidemment ce qui fait la force de la série : dans Girls, pas de teint parfait, de robes griffées ni d'amour policé et de soirées huppées. L'histoire raconte les anecdotes de la vie quotidienne de 4 nanas, tour à tour préoccupées par leur avenir incertain, leurs relations sentimentales bancales et leurs amitiés parfois souvent mises à mal par les pérégrinations que leur récente entrée dans l'âge adulte suppose. Ainsi, quand la pudique Sosh se réveille tous les matins en se demandant quand arrivera l'heure de son premier coït, Jessa, qui aime à se penser comme l'intrépide baroudeuse de la bande, fait mine d'être assez forte pour affronter son IVG. Et quand les kilos en trop et l'ironie de Hannah lui taillent un parfait costume de « fille incomprise » de son époque, les séduisants attraits de Marnie ne lui semblent être qu'un écho de sa psychorigidité latente.

À travers ces 4 personnages aux personnalités très caractérisées, sont balayées un bon nombre des problématiques de la jeune femme urbaine de notre XXIe siècle, à genoux devant l'impératif de la performance (être belle mais aussi avoir du charme, être aimée avec respect par un homme mais aussi violemment désirée, être une femme objet si on le décide mais une personnalité avant tout, gagner sa vie avec un job-passion, être entourée d'amis inconditionnellement présents quoiqu'il arrive, etc.)

Et évidemment, c'est salvateur. Je me suis enfilée la première saison en 2 fins de soirée et 1 nuit, en mangeant des tonnes de tartines de fromage persillé, avant de me demander pourquoi telle série n'avait pas existé avant, jugeant à la fois le succès qu'elle rencontre « mérité » mais aussi « sans surprise ». En effet, il me semble qu'une série qui se veut « sans filtre » par rapport à l'époque qu'elle dépeint, ne peut que susciter l'attachement et l'enthousiasme du public qu'elle vise. Très naturellement, j'ai ainsi retrouvé un peu de moi dans les personnages de Hannah, Marnie et Jessa (moins dans celui de Sosh - mais bon, on n'est pas obligé de se reconnaître dans un casting entier non plus).

Ce que j'ai aimé voir dans Girls, c'est donc ce que je m'étais agacée à ne pas trouver dans des séries comme Gossip Girls ou Sex & The City, aussi culte soit cette dernière : une peinture visuelle se rapprochant (enfin) de la vraie vie, loin de l'opulence et des stéréotypes inhérents aux intrigues pour ado rêveurs-envieurs. C'est un peu l'histoire de la différence entre les photos de mon iPhone et celles que je modifie avec Instagram : les clichés que je prends sont-ils honnêtement toujours naturellement enrobés d'une jolie couleur orangée ? Non. Et si le mode toaster de mon application me fait bien marrer le temps d'une photo, je crois pouvoir dire que mon quotidien serait bien flippant s'il avait toujours l'air de se dérouler dans une lumière de fin de journée californienne. Personne n'a envie de vivre dans un mensonge, si ?

À propos de Girls, j'ai entendu certaines personnes dire « oui mais quel intérêt peut-on trouver à regarder la vie de gens comme nous ? » et autres « moi, ce qui me dérange, c'est de regarder une série sans belles meufs à admirer ». Que renferment ces deux réactions ? Le désir de se projeter dans l'extra-ordinaire, au sens « ce qui n'est pas ordinaire ». Très bien. Ce que j'en pense ?
- Concernant la première phrase : je concède ne pas chercher exclusivement au cinéma des films mimant mon existence - j'aime être subjuguée par des univers aux antipodes de ma vie quotidienne, j'aime rencontrer des personnages étranges et différents des gens de mon entourage, j'aime voyager, j'aime être surprise. Évidemment. Mais en s'adossant aux vraies problématiques des jeunes femmes de mon âge, Girls réussit à ne pas tomber dans la froideur chirurgicale du documentaire non plus : la série reste drôle, surprenante et pleine de rebondissements. Elle n'est pas une peinture sage de notre époque : elle est « un certain regard » sur notre époque.
- Concernant à présent la deuxième proposition : en effet, les filles de Girls ne sont pas aussi « papier glacé » que les gazelles de Gossip Girls. Mais c'est, il me semble, la force militante de cette série : être témoin d'une époque et divertir les jeunes en passant par d'autres canaux que ceux de l'envie, la luxure, l'appât du gain, le consumérisme et le complexe d'infériorité, inhérents aux autres séries dites sexy.

Concernant ce militantisme, j'en reviens à la première phrase de cette note : oui, à trop vouloir être un anti-Sex and the City (ou un Sex and the City post-récession, comme on a pu le lire sur la toile), la série Girls tombe t-elle dans l'écueil de vouloir à tout prix nous vendre une image trendy de la femme moderne ?

Au delà du panégyrique auquel je viens de m'adonner, je dois dire que si j'accueille à bras ouverts un concept de série comme celui de Girls, je suis en revanche déçue par certains passages un peu lourds, qui marquent, je crois, l'envie trop irrésistible de Lena Dunham de faire un ostensible pied de nez aux habituels clichés du genre. En effet, à trop viser la destruction d'un cliché, on en tombe souvent dans un autre. Pour « sonner plus vrais », les personnages de Girls gagneraient donc peut-être à être un peu moins « la preuve qu'ils sont comme nous »… pour devenir « comme nous », tout court.

Attendons donc voir ce que la 2e saison a dans le ventre avant d'accuser Lena Dunham d'être une déjantée trop scolaire.


PS : Girls est une série diffusée sur HBO. Et depuis The Wire, Boardwalk Empire et Game of Thrones, je fais une confiance aveugle à la chaîne.

3 commentaires:

Louise a dit…

J'ai tout lu. Et je plussoie tout.

Soapinthesky a dit…

De mon côté j'ai pas pu m'empêcher de trouver la série vulgaire parfois... Je sais pas, c'est peut-être ça que tu entends par "Girls essaye de se prouver quelque chose" ? Parce que en effet, Hannah n'est pas obligé de jouer le rôle de l'écrivaine qui se fait prendre par derrière sans avoir le temps de dire ouf pour nous signifier qu'elle est une fille "comme nous". Too much, parfois. Même si comme tu dis, une série sans nana au teint parfait, en soi c'est déjà un pas.

Light-culture a dit…

Je suis d'accord et comme toi j'attends la saison 2 pour me faire une opinion, car c'est la plus casse-gueule, celle où tout s'essoufle un petit peu. Je me demande comment cette quête de l'ordinaire va finalement résister à une seconde saison.